ZAN : « À travers l’artificialisation se pose la question de l’aménagement du territoire » (E. Wargon)

News Tank Cities, le 30/04/2021
 

« La question de l’artificialisation des sols pose une question de modèle culturel. À travers l’artificialisation se pose la question de l’aménagement du territoire. Les débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi Climat et résilience ont énormément porté sur la façon dont on voit la France demain. Quelles villes veut-on ? Quelle ruralité ? Quel équilibre entre les deux ? Existe-t-il un développement et un aménagement durables ? Avec cette loi, nous sommes en train de passer une étape absolument importante dans la lutte contre l’artificialisation », déclare Emmanuelle Wargon, lors du webinaire sur l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) organisé par CDC Biodiversité et l’association Humanité et Biodiversité, le 28/04/2021.

« Après 1 800 amendements en commission et 1 300 en séance sur la partie artificialisation, ce projet de loi est, je crois, assez complet, et nous sommes contents de la manière dont le texte sort de l’Assemblée nationale. L’objectif du ZAN est posé pour 2050 (ce qui n’était pas dans le projet de loi initial). L’objectif de réduction de 50 % du rythme d’artificialisation dans les 10 prochaines années est posé. La définition de l’artificialisation est posée, renvoyant à un décret pour la préciser. La déclinaison opérationnelle de tout cela est posée dans le lien avec les Sraddet, SCOT et PLU. »

Pour la ministre, « des solutions existent déjà partout en France à des échelles différentes, simplement, il faut réussir à le montrer. (…) J’ai lancé en février 2021 la démarche Habiter la France de demain, dans laquelle je voudrais que l’on parvienne à déterminer ensemble quel type de développement harmonieux et durable (au sens d’écologique et économique du terme) et d’aménagement on souhaite. Nous cherchons 100 démonstrateurs que nous présenterons courant mai 2021. Ce sont des endroits dans lesquels on a déjà réussi à surmonter la contradiction potentielle entre les volontés de créer plus de logements, plus d’activité, respecter la nature, lutter contre l’artificialisation, préserver la biodiversité, trouver la bonne forme de densité… »

La Mission économie de la biodiversité, initiative de la Caisse des dépôts copilotée et gérée par CDC Biodiversité, a publié un guide intitulé « Mise en œuvre de l’objectif de Zéro artificialisation nette à l’échelle des territoires » à l’occasion de la publication d’avril 2021 de sa revue Bioviv’2050.

 

Consulter le document
Guide « Mise en œuvre de l’objectif de Zéro artificialisation nette à l’échelle des territoires » 

 

Revoir le webinaire sur l’objectif ZAN (28/04/2021)
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Emmanuelle Wargon : « Il est possible d’aménager et de répondre aux besoins de logements tout en respectant la sobriété foncière »

  • « Il est important que l’on partage le fait que la France est plus artificialisée qu’ailleurs. Nous avons 3,5 millions d’hectares artificialisés, c’est 15 % de plus qu’en Allemagne, 57 % de plus qu’au Royaume-Uni ou qu’en Espagne. Nous partons d’une situation dans laquelle nous avons été moins vigilants qu’ailleurs sur l’artificialisation. Nous artificialisons environ 280 000 hectares tous les 10 ans. L’enjeu est vraiment important », déclare Emmanuelle Wargon.
  • « L’artificialisation nuit à la biodiversité et à la lutte contre le réchauffement climatique. La protection des sols est à la frontière des deux grandes politiques écologiques du ministère de la Transition écologique. Enfin, la question de l’artificialisation des sols pose une question de modèle culturel. À travers l’artificialisation se pose la question de l’aménagement du territoire. Les débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi Climat et résilience ont énormément porté sur la façon dont on voit la France demain. Quelles villes veut-on ? Quelle ruralité ? Quel équilibre entre les deux ? Où va-t-on développer le pays et comment ? Existe-t-il un développement et un aménagement durables ? Nous sommes en train de passer une étape absolument importante dans la lutte contre l’artificialisation avec cette loi. »
  • « Dans la Convention citoyenne pour le climat, les citoyens se sont emparés du sujet et ont intégré la lutte contre l’artificialisation dans leur feuille de route et fait des propositions que l’on a d’ailleurs repris très fidèlement dans la loi. »
  • « Ce projet de loi, après 1 800 amendements en commission et 1 300 en séance sur la partie artificialisation est, je crois, assez complet, et nous sommes assez contents de la manière dont le texte sort de l’Assemblée nationale. L’objectif du zéro artificialisation nette est posé pour 2050 (ce qui n’était pas dans le projet de loi initial). L’objectif de réduction de 50 % du rythme d’artificialisation dans les 10 prochaines années est posé pour 2030. La définition de l’artificialisation est posée, renvoyant à un décret pour la préciser. La déclinaison opérationnelle de tout cela est posée dans le lien avec les Sraddet, Scot et PLU. »

 

Nécessaire territorialisation des objectifs

  • « Je retiens du débat 2 principes.
  • La 1e est l’importance donnée à la territorialisation de ces objectifs, ce qui ne sera pas facile, mais qui est absolument indispensable. Sinon, on traite de la même manière des territoires qui ont fait un effort et des territoires qui n’ont pas commencé, et on traite de la même manière des territoires qui ont à la fois des besoins de logement mais aussi des latitudes pour y arriver, et des territoires qui vont se sentir exclus du développement parce que, pour des raisons écologiques, ils ne pourront plus rien développer, plus rien artificialiser. Le débat sur la territorialisation, renforcé dans la discussion parlementaire, est une inquiétude légitime, parce qu’il faut décider collectivement où l’on décide d’utiliser notre droit à artificialiser, qui va se réduire mais qui va continuer à exister. Où et comment ? Cela devient un bien commun complémentaire, qu’il va falloir se répartir. Comment se répartir cette exigence de sobriété et de réduction de l’artificialisation ?
  • Le 2e aspect, c’est la compensation. D’un côté, elle sera nécessaire, car le “zéro nette” implique l’on puisse artificialiser dans un sens et désartificialiser dans l’autre. D’un autre côté, on sait bien qu’en termes de biodiversité et de carbone, la compensation n’est pas si simple. La place de la compensation dans cette stratégie, et la définition même de ce que c’est que la compensation, vont être des questions centrales.

 

Opérations de recyclage sur les terres déjà artificialisées

  • En parallèle, la feuille de route ZAN et ce travail mené avec de nombreuses parties prenantes, a posé 4 axes qui sont toujours d’actualité et que nous sommes en train de remplir :
  • la connaissance et l’observation, sur lesquelles nous travaillons avec le Cerema;
  • la planification, que nous travaillons dans la loi Climat ;
  • l’accompagnement des collectivités dans les opérations de recyclage sur des terres déjà artificialisées : c’est l’un des éléments importants du plan de relance, avec le fonds Friches de 300 M€ qui remporte un succès fou et que l’on espère pouvoir développer plus, et avec les 350 M€ d’aides aux maires pour accorder des permis de construire là où l’on a une densité suffisante et ce sont les programmes de revitalisation de l’ANCT, c’est le rôle des EPF, des agences d’urbanisme, du cercle des territoires pionniers de la sobriété foncière… Un énorme travail d’animation est en cours ;
  • la vision politique et culturelle et son partage : si l’on ne se met pas d’accord sur le type d’aménagement que nous cherchons à mettre en place, nous n’y arriverons jamais. À ce titre, j’ai lancé en février 2021 la démarche Habiter la France de demain, dans laquelle je voudrais que l’on parvienne à déterminer ensemble quel type de développement harmonieux et durable (au sens d’écologique et économique du terme) et d’aménagement on souhaite. Nous cherchons 100 démonstrateurs que nous présenterons courant mai, qui sont des endroits dans lesquels on a déjà réussi à surmonter la contradiction potentielle entre les volontés de créer plus de logements, plus d’activité, respecter la nature, lutter contre l’artificialisation, préserver la biodiversité, trouver la bonne forme de densité… La bonne nouvelle, c’est que cela existe déjà partout en France à des échelles différentes, simplement, il faut réussir à le montrer. Nous allons faire cela avec le Plan ville durable et Patrice Vergriete à Dunkerque qui anime le collectif des collectivités engagées dans la ville durable. »

 

  • « Il est possible d’aménager et de répondre aux besoins de logements tout en respectant la sobriété foncière, la biodiversité et la lutte contre l’artificialisation. »

 

Bérangère Abba : « Beaucoup d’acteurs et d’élus dans les territoires sont encore craintifs »

« Nous devons trouver des solutions qui s’inscrivent dans le long terme. Nous avons inscrit dans le projet de loi Climat et résilience des dispositions, qui étaient elles-mêmes déjà crantées dans le plan Biodiversité, et dans la loi Biodiversité avant lui. C’est aussi une réflexion qui se fait au niveau européen, dans le cadre de la stratégie Biodiversité et de sa déclinaison. Une consultation sur “des sols sains pour une vie saine” vient de se terminer à la Commission européenne et sera sans doute également riche d’enseignements », déclare Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

 

« C’est un travail sur l’objectivation de la situation avec des données sur foncier déjà artificialisé. Beaucoup d’acteurs et d’élus dans les territoires sont encore craintifs par rapport à nos objectifs ZAN, car la marche est haute. Mais nous avons déjà de gros leviers sur les friches à investir. Les débats ont montré que la conciliation des usages n’est pas acquise, le chemin est long. Sur les continuités écologiques et les cours d’eau, nous avons eu des échanges assez vifs autour de ce projet de loi Climat et résilience, d’où l’importance de ces espaces d’information, de réflexion et de partage », dit-elle.

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